Nous avons rencontré Dr Mouhamadoune SECK, Maître de Conférences en Sciences de l’Éducation et Directeur des Études, de l’Innovation pédagogique et de la Vie universitaire (DEIPVU) à l’université de Thiès. Responsable du projet de TP à distance, mis en œuvre par l’Université de Thiès avec le soutien de l’Agence universitaire de la Francophonie, il nous a présenté cette plateforme qui favorise la continuité pédagogique en cette période de crise sanitaire.
- Qu’est-ce que le projet TP à distance ?
Le Travail Pratique « TP » est une modalité d’enseignement-apprentissage, comme le cours magistral (CM) ou le travail dirigé (TD). Il est utilisé dans l’enseignement supérieur pour conduire la formation des étudiants. Dans le cas de la physique cette modalité se fait dans des salles spécialisées (laboratoire) avec un équipement approprié. Le projet TP à distance consiste à répliquer cette même modalité, mais cette fois-ci à distance via le réseau Intranet ou Internet selon les moyens de l’institution. Plusieurs appellations sont utilisées : TP à distance, e-TP, etc.
Le concept de « distance », pour les acteurs de ce domaine, se présente sous plusieurs facettes : spatiale, interactive et/ou numérique. Le réseau Internet est un support incontournable en ce qui concerne le e-TP. Toutes ces dimensions de la distance sont éprouvées dans ce projet.
- Dans quel contexte ce projet a émergé et quels sont les objectifs visés ?
Le projet « TP à distance » de l’Université de Thiès a été initié à la suite de l’appel à candidature lancé par l’AUF pour inciter les enseignants chercheurs des institutions universitaires à étudier la faisabilité d’intégrer les e-TP dans les modalités d’enseignement-apprentissage et de recherche. Le projet de l’Université de Thiès de créer son propre laboratoire de TP à distance a été retenu et a fait l’objet d’une convention tripartite entre notre université, l’AUF qui nous a apporté des moyens financiers pour l’acquisition du matériel et l’Université Abdelhamid Ibn Badis Mostaganem (Alger) qui a mis son expertise, dans ce domaine, à notre disposition.
A travers ce projet nous visons à :
- diversifier les modalités d’enseignement-apprentissage en milieu universitaire ainsi que les autres ordres d’enseignement en intégrant les TIC et surtout les IdO (Internet des Objets ) ;
- mutualiser le matériel de TP et les infrastructures avec la communauté d’enseignement-apprentissage au Sénégal voire en Afrique ;
- augmenter la valeur ajoutée, dans le domaine des TP où le numérique était en vigueur dans les établissements, en orientant la recherche vers les « e-TP ».
- Quels sont les principaux destinataires et bénéficiaires de ce projet ?
Ce projet s’adresse actuellement aux étudiants de Licence 1 des programmes de formation en Physique-Chimie (PC) et en Informatique de l’UFR Sciences et Technologies de l’Université de Thiès puisque nous sommes à l’étape de paramétrage. Les étudiants des autres établissements peuvent également utiliser notre dispositif à la seule condition que leurs enseignants proposent un protocole TP classique qui sera d’abord adapté pour en faire un e-TP. Par ailleurs, nous faisons aussi de la vulgarisation auprès des institutions ou organisations apprenantes via des invitations durant des ateliers, séminaires ou autres rencontres.
- Comment la communauté universitaire a accueilli ce dispositif ?
Partout où des démonstrations ont été faites, les participants ont fait preuve d’un grand intérêt, posent des questions et demandent les procédures de mutualisation. Dans le programme Informatique de l’UFR des Sciences et Technologie, l’EC « Électricité » dispose déjà d’un espace dans la plateforme de formation à distance pour ses étudiants de Licence 1.
- En quoi ce genre de projet est intéressant pour assurer la continuité pédagogique même en cas de restriction des déplacements ou de fermetures des universités ?
La continuité pédagogique est assurée si ce dispositif est utilisé. Dans la mesure où le protocole de e-TP est bien conçu, il ne restera que la programmation pour le passage des groupes selon les processus et les résultats demandés. Si durant la scénarisation et la médiatisation dans ces e-TP la dimension interaction est bien utilisée les possibilités de prise en charge deviennent énormes.
- Pouvez-vous en citer quelques indicateurs de performance ?
Je peux vous citer trois indicateurs de performance de ce projet.
D‘abord, l’UT dispose d’expertises avérées pour la réalisation d’un banc de e-TP. En effet, après la formation par l’équipe d’experts de l’Université Abdelhamid Ibn Badis Mostaganem, l’équipe restreinte a élaboré son propre modèle de banc e-TP. C’est ce modèle qui est de vigueur et qui est implémenté dans la PFAD de l’UT.
Ensuite l’UT dispose de deux (2) bancs e-TP fonctionnels avec les objets nécessaires interconnectés dans son réseau Intranet et n’attend qu’un réseau Internet pour une large utilisation. Le contrat qui liait l’Université de Thiès et l’AUF dans le projet initial se résumait ainsi : créer des bancs de e-TP (au moins six) pour étudier la faisabilité, dans l’espace universitaire, de leur intégration comme modalités d’enseignement-apprentissage dans les pratiques de classes. A la fin de ce projet (ce 31 décembre 2019), l’UT dispose de deux (2) bancs constitués chacun d’un multimètre numérique, d’un générateur (à deux voies) de tensions continues, d’un oscilloscope, d’un générateur de basses fréquence, d’une carte PCB (il y en an 10 interchangeables), d’un Raspberry pi (ou d’un Pcduino selon les besoins de l’enseignant). Tous ces appareils interagissent via l’Intranet de l’UT. D’autres appareils interconnectés sont en cours d’acquisition : des Raspberry pi, des robots, des capteurs et diverses consommables.
Enfin un nombre impressionnant de situations (255 environs) par carte PCB peuvent être mis à la disposition de groupes d’étudiants sans interférence et plagiat sur les résultats attendus. Ainsi l’utilisation des résultats des autres groupes pour une année et même plusieurs cohortes d’étudiants sera derrière nous, un soulagement pour les moniteurs qui étaient obligés de changer constamment certains paramètres entre les cohortes.
- Quelles sont les perspectives de ce projet ?
Toutes les perspectives se résumeront autour de l’installation et le fonctionnement du futur réseau « e-lab ». En effet, jusqu’à présent nous travaillons sous le statut d’équipes (élargie ou restreinte) d’enseignants-chercheurs et de doctorants réunis autour de projets élaborés et réalisés ensemble. L’heure est arrivée d’intégrer le dispositif et le modèle de structuration dans celui de l’institution. L’équipe restreinte a proposé de mettre en place un « réseau e-lab » comprenant des démembrements (e-lab Établissement) dans chaque établissement et une coordination (e-lab UT). Chaque « e-lab Établissement » et ses membres seront spécialisés dans un domaine de « e-TP » précis. C’est dans cette perspective que ce projet de réseau « e-lab » a répondu à l’appel à candidature de l’AUF (nouvel appel à candidature pour 2020) pour la création d’une « communauté de pratiques s’intéressant à l’innovation pédagogique par l’usage des TIC ». Nous sommes ravi d’être informés que le projet soumis par l’UT est éligible. La convention est en cours de signature entre les deux parties. Toutes les perspectives de développement des acquis du premier projet (de 2017-2019) verront leur stabilisation et leur réalisation aboutir dans ce nouveau projet 2020.
- Avez-vous pensé à un plan ou une stratégie de mutualisation ou de vulgarisation de ce dispositif qui devrait pouvoir servir au-delà de la communauté universitaire, par exemple aux lycées scientifiques à même de pouvoir l’utiliser ?
C’est la quintessence de ce projet : une mutualisation avec les institutions paires publiques comme privées ainsi que les autres structures d’enseignement : lycées et collèges et ou centre de formation professionnelle.
Les nouvelles acquisitions qui seront réceptionnées après la crise liée au COVID 19 permettront de toucher d’autres publics, par exemples le cycle primaire et le grand public avec des activités qui seront tenues par des groupes d’étudiants très avancés à travers les clubs scientifiques de leur établissement.
Source : AUF